J’ai le plaisir de recevoir pour cette interview Kamel Boucherikha qui est préparateur mental pour les sportifs de haut niveau. Je vous invite à découvrir son site Internet http://prepamentale.onlinetri.com . Kamel a notamment travaillé au Centre de Formation du Stade Rennais (football), de l’équipe de triathlon de Beauvais (une des meilleures équipes nationales) et d’un marin pour la prochaine Route du Rhum.
Avec cette interview Kamel vous nous apprendre comment les techniques qu’il utilise avec les sportifs de haut niveau peuvent nous aider dans notre vie quotidienne.
Bonjour Kamel, je suis ravi de te recevoir sur mon blog. Peux-tu nous présenter rapidement ton parcours et ce qui t’a amené à la préparation mentale ?
Ce qui m’a amené à la préparation mentale est la rencontre avec un formateur en sophrologie du sport : Christian Ramos. Je venais de vivre une situation personnelle difficile : manque de contrôle émotionnel dans un contexte sportif. Je me suis interrogé au sujet de mes comportements. J’ai découvert l’aikido à ce moment là. Un gros travail avec un psychologue m’a permis de pointer l’origine de ces débordements émotionnels.
Je suis un sportif omnisport (athlétisme, ski, foot). Après mon diplôme de kiné, je me suis orienté vers la thérapie manuelle (ostéopathie tissulaire). Ensuite j’ai débuté la formation en préparation mentale (école de la performance), j’ai suivi une saison un groupe de volley qui joue à ce jour en Pro A : très belle expérience , je découvre le coaching sportif des pays de l’Est… L’opportunité de retrouver le football se présente à moi ; je travaille pendant 3 ans avec un groupe extraordinnaire , nous loupons la montée en Ligue 1. Certains joueurs sont toujours en exercice (Demont, Sanz, Clément Alex manger et entraineur de foot).
Je prends de plus en plus conscience de ma spécificité (le physique et le mental couplés pendant les soins). Le manager de Beauvais Triathlon (Laurent Chopin) me propose de transposer ce que je pratiquais avec le foot vers le triathlon. Le challenge m’intéresse d’autant plus que je ne connais rien à ce sport si étrange…L’aventure dure 5 ans et quelle Aventure…
Je quitte l’Oise en 2005 pour vivre en Bretagne ce que je voulais depuis fort longtemps. Je recontacte Franck Haise avec qui j’ai travaillé à Beauvais ; Il me permet de rencontrer la formation éducative des jeunes au Stade Rennais. C’est une grande remise en question je découvre des automatismes et des pratiques (savoir faire) qui optimise la préparation mentale que je pratiquais.
Dans notre vie quotidienne que ce soit au travail ou dans notre vie personnelle, nous sommes tous de plus en plus soumis au stress, au carence en vitamine et à la pression, quelle technique concrète nous conseillerais-tu pour nous aider à améliorer notre gestion du stress ?
Le sport au service de la Vie, est ma devise professionnelle. Je pense qu’il doit y avoir un lien entre vie quotidienne et expérience professionnelle. Cela est d’autant plus vrai que le sportif est professionnel. La gestion des excès de mauvais stress est un devoir essentiel. Un exemple concret est la perception contemplative des sensations corporelles. Il s’agit de se glisser dans sa bulle positive afin de se sentir bien et calme en toute situation. Ce chemin de relaxation est très personnel, il se forge avec la pratique et l’expérience : il est le fruit du Travail et de la Passion .
Tous les jours quelque soit leur pathologie les personnes qui travaillent avec moi apprennent les bases de la relaxation dynamique. Mon devoir est de transmettre ces savoir-faire pratique afin de les utiliser tous les jours . C’est un des piliers de ma démarche professionnelle : éducation thérapeutique du patient.
Etre allongé sur le sol , les membres inférieurs posés sur la chaise est une position idéale pour récupérer physiquement : l’objectif est posé. La régulation du système nerveux va se faire par la respiration. Il est nécessaire de choisir des objets de concentration simple pour fixer notre attention afin de réduire « la diarrhée mentale ».
Nous pouvons respirer en gardant l’air quelques secondes sur chaque inspiration : nous visualisons le passage de l’air de la narine droite vers le poumon droit. Nous pratiquons des 2 cotés. Une intention positive peut être associé : je choisis de respirer en toute conscience, « ici et maintenant ». Nous rechargeons notre batterie mentale et énergétique. Le fait de visualiser nous permet de travailler un savoir faire indispensable pour mieux gérer le stress. Cette respiration contrôlée permet aussi de créer de l’espace intérieur dans chaque partie du corps : une bonne perception de soi développe une meilleure image de soi. Cette pratique peut se faire dans toutes situations de la vie quotidienne, il n’est pas impératif d’être allongé ou assis. C’est un outil anti stress très puissant.
J’ai lu récemment une interview du perchiste Steve Hooker (champion olympique de saut à la perche à Pékin) qui racontait que la visualisation occupait une grande partie de sa préparation sportive. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette technique ? Quels en sont les bénéfices ? Et comment la mettre en pratique au quotidien ?
La visualisation est une des capacités de notre cerveau à créer des représentations mentales : il est possible d’y associer des sons et de la proprioception (perception de soi).
Je l’utilise au quotidien lors de mes soins. Je demande au patient de placer son attention au niveau de mes mains comme si elles étaient des yeux. Il se visualise, il imagine les os, les muscles. C’est aussi une induction positive : perception et image de soi positive aide à la confiance.
Le savoir faire pratique est un entraînement à la recherche d’une image mentale source de calme et de bien être. C’est un outil très puissant. Chez les jeunes, le succès est garanti : « ça marche ton truc » me répètent ils souvent !!!
Les sportifs connaissent bien cet entrainement mental optimisé par la visualisation. De nombreux sports peuvent l’utiliser : perchiste , par exemple. Les objectifs à atteindre peuvent être très différents :
– Apprentissage moteur
– Motivation, confiance en soi
– Stratégies mentales de résolution de problème
– Réhabilitation après les blessures.
Les recherche en imagerie médicale et les neurosciences prouvent aujourd’hui ce que nombreux athlètes pressentant de manière empirique.
Je conseille de pratiquer des exercices très brefs au quotidien : le sourire intérieur est un classique. Je me visualise souriant et calme. Essayez, vous verrez c’est surprenant. En quelques séances les résultats sont là. Nous pouvons par la suite avec de l’entrainement visualiser nos objectifs et nos rêves. Cela nous mets sur le meilleur chemin. C’est dans le cadre du travail avec les sportifs blessés que je me suis aperçu des bienfaits de ces savoirs faire.
Dans la vie comme en sport, je suis convaincu que notre adversaire le plus redoutable ce n’est pas celui qui est en face de nous mais bien souvent nous-même. Quels sont tes conseils pour « maîtriser » notre petite voix intérieure qui nous joue parfois de bien mauvais tour ?
Le premier constat d’expert que je fais est qu’il existe des tempéraments qui assimilent mieux les situations stressantes que d’autres. Nous devons donc bien nous connaître pour mieux nous maîtriser. Or , c’est le plus fréquemment à ce niveau que les choses dérapent. Un manque d’adaptation ponctuel n’a rien à voir avec une irritabilité chronique.
Le travail de fond doit se mettre en place par l’éducation. Savoir relativiser , c’est un savoir faire à acquérir.
Lorsque le dialogue intérieur est vraiment négatif et fréquent , le rencontre avec un psychologue permet de reprendre un travail sur les fondamentaux.
On a tous des coups de pompe passagers (fatigue, baisse de motivation, lassitude …) quels conseils pourrais-tu donner pour retrouver la pêche grâce à la préparation mentale.
En fait je n’ai pas de réponse …Juste ma propre expérience : je suis plutôt anxieux, je gamberge beaucoup. J’ai donc mis en place une stratégie comportementale pour réguler mes pensées parasites (diarrhée mentale).
Je « switche » le plus souvent possible. Je substitue le négatif par du positif ; la respiration est très utile pour ça. Le stretching est une constante comportementale que je conseille de développer à tout le monde.
On entend souvent parler de « lâcher-prise ». Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette notion. Quels en sont les bénéfices ?
« Le lâcher-prise est une façon de ne rien attendre, ne rien vouloir ni désirer excessivement, savoir aller au-delà de l’attachement. C’est le contraire du contrôle. »
La finalité est de comprendre qu’il faut s’économiser : garder son énergie vitale et la préserver. Le lâcher-prise est donc une attitude mentale qui consiste à réaliser une analyse objective de la situation et de s’adapter au plus juste.
La tolérance est une qualité qui permet de pratiquer un lâcher-prise cognitif écologique. Je m’explique : (situation de conflit) si en permanence je cède, à un moment mon corps émotionnel va envoyer des signaux de détresse qu’il va falloir gérer… Agir ou subir
La capacité de lâcher prise est étroitement liée à l’intelligence émotionnelle. Prendre de la distance, éviter de se noyer dans un verre d’eau. Ces expressions démontrent bien qu’il faut créer de l’espace intérieur (dans sa tête et son corps) et surtout passer à autre chose.
[Note de l’intervieweur : Si la notion de “lâcher prise” vous intéresse, je vous à lire l’article de Mohamed du blog Sème un Acte : Quand La Compréhension Doit Laisser Place A L’Acceptation ]
Parlons un peu de ton métier à présent. Peux-tu nous présenter une de tes journées types ? Comment se passe une séance de travail avec les sportifs que tu coaches ?
En analysant comment je travaille, je m’aperçois que j’exerce plusieurs métiers. En effet tantôt je suis kinésithérapeute du sport ; je reçois ensuite pour une demande plus ostéopathique un bébé de quelques jours. Je reçois pour finir un skipper qui cherche plus à recharger sa batterie mentale.
Le fil conducteur est une bonne lecture de la personne que je reçois ; c’est sans doute par l’observation que je collecte le plus d’informations bien sûr le toucher thérapeutique tient une place importante.
En séance individuelle, je suis presque toujours sollicité pour le couplage ostéopathie optimisée grâce au savoir être (la préparation mentale). Le physique reste ma première porte d’entrée : test ostéo crane/bassin/crane pour aborder l’Etre humain dans sa globalité. La régulation de système nerveux est toujours associée à une visualisation des zones du corps sur lequel je travaille. La Bulle est alors bien en place. Au cours de ce soin, la demande mentale est en général abordée au bout de quelques minutes.
Avec les jeunes sportifs je suis plus pédagogue, je travaille au tableau véléda pour que le canal visuel soit prioritaire. Je leur fait écrire beaucoup d’éléments de la séance (canal kinesthésique) . Le mode de communication est participatif. L’analyse du test des habiletés mentales nous sert de fil conducteur. C’est un travail d’écoute et de patience.
Je m’adapte pour rendre la personne avec qui je travaille pour qu’elle soit autonome, qu’elle prenne du plaisir.
La motivation est une chose assez compliquée à expliquer. Comment fais tu avec les athlètes que tu coaches pour les aider à mettre à jour leurs véritables motivations et surtout pour les aider à rester motivé sur leur objectif ?
La démarche cognitive et comportementale que je pratique permet des faire des liens entre objectifs, attentes, rêve et motivation. Le Sens que nous donnons à nos actes est en relations avec nos croyances et nos Valeurs .Le mental building , très bien décrit par A.Girod, est très proche du modèle de Vroom.
« Il n’y a de vent favorable que pour celui qui sait ou il va » Sénèque.